Moulin du Village

Le Moulin du Village, à l'entrée de la petite agglomération - si l'on vient de Binche, se dérobe d'abord au regard. Le nom de la rue annonce pourtant une installation de ce type (rue du Mouliln) mais il pourrait aussi bien renvoyer au moulin de la rue de Rosière, qui relaie d'ailleurs la rue du Moulin.

Il faut procéder à une analyse du paysage local pour reconnaître l'ensemble des caractères du "moulin du Village". Comme le moulin voisin à la rue de Rosière, il se situe sur le ruisseau du Seigneur. Placé près de 500 mètres en aval de ce dernier, il bénéficie d'un débit plus important, le ruisseau du Seigneur se trouvant grossi notamment par les eaux du ruissseau de Boustaine. Sa position est également plus "stratégique" dans la mesure où il trouve placé à proximité immédiate du centre du village et du petit promontoire que ce dernier occupe entre la plaine alluviale de la Sambre et le vallon de plus en plus encaissé que creuse ici le ruisseau du Seigneur.

La position stratégique du moulin du village tient encore au fait qu'il s'appuie sur un barrage coupant le vallon et qui fut utilisé de temps immémorial pour traverser le cours d'eau et la dépression dans laquelle il prend place.

Ajoutons à cela le fait que le barrage - comme c'est souvent le cas - se situe juste en aval du confluent du ruisseau de Boustaine et du ruisseau du Seigneur et détermina ainsi une assez vaste zone d'inondation vers l'amont.

Pour juger du barrage, on dispose, outre de plans anciens, des données de terrain. Une brusque dénivellation se marque en effet à l'aval de la rue du Mouin (côté gauche en venant de Binche) alors que rien n'apparaît vers l'amont. Un pont à deux arcades coupe cette "digue" du moulin. L'une des deux arcades est aujourd'hui privée d'eau. A sa manière, le pont a ainsi pu jouer un rôle de déversoire. La présence d'une retenue d'eau en amont du barrage - et des maisons tardivement établies en bordure de la voirie dont il constitue l'assiette - donne à ce dernier tout son sens. Cette retenue d'eau, historiquement bien attestée, se trouve au confluent des deux ruisseaux. Des restes de vantellerie semblent d'ailleurs pouvoir lui être associés.

Des divers bâtimetns relevant du moulin avant son démembrement, intervenu en 1878, il ne subsiste qu'une dépendance encore identifiable, côté rive droite, en bordure d'une espace libre ("placette") occupant le versant aval du barage (section C n° 334 du plan parcellaire de Popp). Il se présente sous la forme d'un bâtiment de plan pratiquement carré couvert d'une bâtière. Les murs gouttereaux sont perpendiculaires au cours d'eau. Vers la "placette", une façade de brique a été percée récemment de deux portes de garage, en plus d'une ouverture à l'étage. Ces percements ont fait disparaître un rez-de-chaussée qui devait être entièrement en moellons. Le pignon donne sur une étroite ruelle. De ce côté, le parement paraît nettement plus ancien. Il en va de même de la "façade" arrière aujourd'hui pratiquement inaccessible. Des chaînages de blocs équarris et ciselés de calcaire local se voient encore aux angles du bâtiment. Quant au moulin proprement dit, il se trouvait dans le prolongement, à front de voirie, et a été remplacé par des habitations bâties à la fin du 19e siècle.

La veuve Jean Ronflette est la première propriétaire connue du moulin (1701). Les documents du 18e siècle rappellent à l'occasion que "ledit moulin a appartenu il y a plusieurs siècles à la principauté du dit Barbençon".

Toute la propriété englobant le moulin, soit près de un hectare, est exposée en vente publique le 30 janvier 1878. Cette vente en lots conduit au morcellement de la propriété et aboutit à la construction de maisons à l'amont du barrage. On y parle notamment de l'étang remblayé.

Tous les caractères du site disent l'importance du moulin de Merbes-le-Château dans l'environnement local, et même au-delà. Le moulin de Merbes présente ainsi un certain nombre de traits communs avec le moulin de Feluy. Delà à imaginer qu'il a pu également coïncider avec le site d'un hypothétique château de Merbes-le-Château (justement)), il y a un pas que la documentation ne permet pas de franchir. Mais elle autorise au moins à en mettre l'hypothèse.

Les vestiges matériels de la construction proprement dite sont modestes. Le site, par contre, offre des perspectives historiques et archéologiques rares.

Max BEDORET & Gérard BAVAY

G. Bavay, "Patrimoine et histoire des moulins en Hainaut", Mons, Hannonia, 2008 (Analectes d'Histoire du Hainaut, tome XI), p. 536-537.
"Moulins en Hainaut", Mons, Hannonia / Bruxelles, Crédit Communal, 1987.